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La méthode ELFE - Principe de communication émotionnelle


Ecouter avec le cœur

Marian Stuart psychothérapeute et Joseph Lieberman psychiatre, ont fait une série d’études sur ce qui distingue les médecins qui possèdent un don pour communiquer et ceux qui ne l’ont pas. Ils ont filmé des dizaines de consultations courtes avec des médecins très appréciés de leurs malades, ainsi que d’autres avec des médecins qui l’étaient beaucoup moins. Le résultat de ces observations fait ressortir une technique très facile à apprendre.

Cette technique peut s’appliquer à tout le monde, dans le cadre médical, professionnel, amical et même familial. Sans qu’il y ait besoin de consacrer beaucoup de temps à écouter quelqu’un qui parle de ses problèmes, il est possible de trouver la façon la plus efficace et la plus humaine « d’entrer en contact » avec lui, et de l’aider à se sentir mieux en 10 minutes.

La méthode de Marian Stuart et Joseph Lieberman permet d’améliorer considérablement notre capacité d’écoute et donc, notre rapport aux autres, sans avoir besoin d’être psychiatre ou thérapeute. Elle nous permet de nous rapprocher des gens qui comptent le plus pour nous, nos parents, nos conjoints, nos enfants, comme nous n’avons jamais appris à le faire.

En appliquant cette technique, non seulement nous faisons du bien aux autres, mais nous nous en faisons également puisque nous améliorons et approfondissons nos relations avec eux.

Les questions de l’ELFE

La technique se résume en 5 questions qui se succèdent assez vite.

Un bon moyen mnémotechnique pour s’en souvenir est de poser les « Questions de l’elfe ». Comme dans les contes de fées, c’est l’elfe qui transforme le banal quotidien en un instant magique.

Q pour « Que s’est il passé ? »

Pour établir une connexion avec une personne qui souffre, il faut d’abord qu’elle raconte ce qui s’est produit dans sa vie et qui lui fait mal. C’est ce qu’elle vous décrira en répondant à la question : « Que t’est-il arrivé ? ».

La découverte de Marian Stuart et Joseph Lieberman est qu’il n’est pas nécessaire de rentrer dans les détails, bien au contraire. L’important est d’écouter la personne en l’interrompant le moins possible pendant 3 minutes, mais à peine plus. Si cela vous parait peu, sachez qu’un médecin interrompt son patient au bout de 18 secondes à peine !

Au-delà de 3 minutes, si vous laissez votre interlocuteur se perdre dans les détails, vous risquez de ne jamais arriver à l’essentiel ! Et l’essentiel, au fond, ce ne sont jamais les faits, mais les émotions. Il faut donc poser la 2ème question, bien plus capitale.

E pour Emotion

Très vite, la question que vous devez poser est : « Et quelle émotion as-tu ressentie ? ».

Cela peut paraître superflu, mais un jeune médecin généraliste du Kosovo a saisi tout l’intérêt de cette question face à une femme qui se plaignait d’avoir toujours mal au dos, à la tête, de ne pas dormir, de perdre du poids. Le pauvre médecin faisait défiler dans sa tête tous les diagnostics possibles de l’encyclopédie médicale, de la syphilis à la sclérose en plaque… quand il a eu l’idée de poser LA question CLE : « Que vous est-il arrivé ? ». En quelques secondes, la femme lui a confié que son mari avait été enlevé par des miliciens serbes 2 semaines plus tôt, et qu’elle n’avait plus de nouvelles depuis. Elle se disait qu’il était certainement mort. Elle n’avait sans doute eu personne à qui raconter tout cela, tant cette situation était monnaie courante. On imagine aisément ce qu’elle avait dû ressentir, et le médecin hésitait à lui poser la question suivante afin, craignait-il, de ne pas « réveiller » cette émotion si violente. Cela lui semblait tellement évident ; poser la question avait quelque chose de gênant, presque insultant. Pourtant, prenant son courage à deux mains, il est parvenu à articuler : « …Et qu’avez-vous ressenti lorsque c’est arrivé ? ».

A ce moment là, la femme a fondu en larme, libérant ses émotions contenues depuis si longtemps. « J’étais terrifiée, docteur, terrifiée… ». Il lui a pris le bras, et l’a laissé pleurer un peu. Puis, il a enchaîné avec la question la plus importante.

L pour Le plus difficile

Le meilleur moyen de ne pas se noyer dans l’émotion, de l’affronter et d’être en mesure de la gérer, c’est de plonger jusqu’au fond, au plus dur, au cœur de la douleur. C’est seulement là qu’on peut donner le coup de pied qui permettra de remonter vers la surface… et de survivre.

C’est une question qui semble « déplacée » ou impolie, compte tenu de ce que signifie vivre une telle situation. C’est pourtant la plus efficace de toutes les questions : « Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour vous ? ». Et la femme a répondu sans hésiter : « Le fait de pas savoir quoi dire aux enfants. Moi, je savais depuis longtemps que ça risquait d’arriver, et mon mari et moi en avions souvent parlé. Mais les enfants… Qu’est ce que je peux faire pour les enfants ?... » Elle se remit alors à pleurer plus violemment encore. Ce n’était pas le fait d’avoir perdu son mari qui lui posait le plus de problèmes. Ses émotions s’étaient en fait cristallisées sur ses enfants. Si la question ne lui avait pas été posée directement, le médecin n’aurait jamais pu savoir…

La question « L » est magique parce qu’elle sert à focaliser l’esprit de celui qui souffre. Elle lui permet de regrouper ses idées sur le point fondamental, celui qui fait le plus mal, alors que, livré à lui-même, son esprit à tendance à partir dans toutes les directions. Elle permet de « crever l’abcès ». Cela ne résout rien, mais la personne qui souffre sait enfin exactement d’où provient la douleur.

F pour Faire face.

Après avoir permis à l'émotion de s'exprimer, il faut ensuite profiter du fait que l'énergie est concentrée sur la source principale du problème : « Et qu'est-ce qui t'aide le plus à faire face ? ».

Avec cette question, on tourne l'attention de celui à qui on parle vers les ressources qui existent déjà autour de lui, et en lui, et qui peuvent l'aider à s'en sortir.

Il ne faut pas sous-estimer la capacité des gens à se sortir des situations les plus difficiles. Ce dont ils ont souvent le plus besoin, c'est qu'on les aide à retomber sur leurs pieds ; pas qu'on règle les problèmes à leur place.

Nous avons tous du mal à comprendre et à admettre que les hommes et les femmes qui nous entourent sont plus forts, plus résistants, qu'on ne le croit généralement. Que nous sommes nous-mêmes plus forts et plus résistants que nous ne le croyons dans nos relations affectives. Au lieu de penser « Ne reste pas là comme ça ! Fais quelque chose ! » lorsque quelqu'un exprime son émotion et sa douleur, nous devons plutôt penser « Ne fais rien ! Reste là comme ça ! ».

Car c'est bien le rôle le plus bénéfique que nous puissions souvent jouer : être simplement là et accompagner, au lieu de proposer des solutions les unes après les autres ou de prendre les problèmes qui ne nous appartiennent pas sur nos épaules.

E pour Empathie.

Enfin, pour conclure l'interaction, il est toujours utile d'exprimer avec des mots sincères ce que l'on a éprouvé en écoutant l'autre. Pour simplement lui communiquer que nous avons, pendant quelques minutes, partagé son fardeau. À la fin de la conversation, il repartira seul avec son lourd bagage, mais, pendant ces quelques instants, nous l'aurons tenu ensemble et nous comprenons donc mieux sa douleur. Ce souvenir lui permettra de se sentir moins seul sur la route où il s'est engagé.

Le plus souvent, quelques mots très simples, suffisent : « Ça doit être dur pour toi », ou par exemple, « Je suis désolé de ce qui t'est arrivé, j'étais aussi ému en t'écoutant ».

C'est dans ces échanges réussis, même s'ils ne nous « guérissent » pas instantanément, que notre cerveau émotionnel se développe ; qu'il devient plus confiant dans notre capacité à entrer en relation avec les autres, et d'être « régulé » par eux, comme il en a besoin. Et c'est cette confiance qui nous protège de l'anxiété et de la dépression.

Se parler avec le cœur

Les techniques de communication dont nous venons de parler sont souvent ignorées par les psychiatres et les psychanalystes, qui considèrent qu'il s'agit de « simples questions de bon sens ». Bien évidemment, cela est vrai. Mais comme le montrent les études effectuées sur les médecins en pratique -- souvent depuis de nombreuses années -- et contrairement à ce qu'affirmait Descartes, le bon sens n'est pas la qualité la mieux partagée...

Si les parents s'adressaient toujours ainsi à leurs enfants, si les couples savaient se critiquer sans violence et s'écouter avec le cœur, si les patrons savaient respecter ainsi leurs collègues et leurs employés, si le bon sens était effectivement mieux partagé, on n'aurait pas besoin de l'enseigner.

Même en thérapie, il est souvent important de compléter les séances par des instructions très précises sur la manière dont la personne accompagnée doit s'y prendre pour améliorer ses rapports affectifs avec les gens qui comptent le plus pour elle.

Le dernier dan

La maîtrise de la communication émotionnelle ne s'obtient pas en une journée ni en un mois. Pas même en un an.

Dans les arts martiaux, on débute par une ceinture blanche et on finit par atteindre la ceinture noire. Viennent ensuite des raffinements sans fin qu'on appelle des « dans ». Mais il n'existe pas de « dernier dan ». On peut toujours s'améliorer.

L'art de la communication émotionnelle ressemble un peu à cela. Il requiert une maîtrise de l'énergie qui demande sans doute toute une vie pour être parfaitement affinée.

Il est tragique de traverser la vie sans s'atteler à cette tâche fondamentale : améliorer, toujours, sa communication émotionnelle. Même si cela peut se perfectionner à l'infini, ce n'est qu'une raison de plus pour s'y mettre tout de suite.

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